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Jean Brousse, avec son talent de plume bien connu des lecteurs de Sans Doute, a choisi, plus qu’à l’accoutumée pour sa chronique du temps qui passe vu de Corrèze, une pointe de fiel pour se désespérer du spectacle lamentable actuellement donné par nos élus et nos technocrates, dans le contexte géopolitique de retour du tragique que nous connaissons sur le sol européen. Un détail qui n’en est pas un pour lui en particulier l’a rendu fou à juste titre : l’idée de génie de la SNCF faire passer la ligne de train à grande vitesse entre Bordeaux et Lyon par… Massy Palaiseau !
Les journées rétrécissent à vue d’œil et l’hiver s’installe solidement. Le ciel est presque sale, orange et gris. Le froid pique. Des silhouettes noires et grises hantent les trottoirs des villes et les rues des villages. Paris bruit d’un étrange silence que seul dérange les clics de quelques talons sur le bitume. Les heures s’égrènent et sonnent aux clochers des églises. La nuit tombe à cinq heures.
Le « Black Friday » lance malgré tout la course effrénée aux cadeaux de fin d’année. Dans les entreprises, on envisage de vite terminer avant la fin de l’année ce qui était prévu, resté inachevé, et l’inentamé qu’il faudrait enfin démarrer ! Adrénaline et découragement …
Parfois quelques rayons de soleil redonnent un coup d’optimisme
Navette parlementaire oblige, nos valeureux députés ont repris leurs travaux sans trop d’illusions. Beaucoup, et surtout les têtes de de séries, envisagent déjà, sans s’en cacher, mais non sans le démentir, les prochaines échéances électorales. Pour l’essentiel ils restent sur leurs positions et attendent comme nous, pauvres observateurs, l’issue improbable de l’exercice en cours. Seul le Premier ministre, régulièrement annoncé et menacé, et ceux de son escorte, comme à chaque round de cet âpre combat, semblent y croire.
Mais la comédie de la discussion occupe les espaces, les heures d’antenne et les pages des journaux : ça, pour commenter, on commente ! On produit de l’amendement à l’envie, histoire de retarder les débats, et la créativité en matière fiscale s’en donne à cœur joie. On parle de concours Lépine de l’impôt : Gabriel Zucman est presqu’oublié mais ressurgit sous mille formes : que les plus aisés prêtent à l’État avec joie et sens de la responsabilité, sans en attendre aucun intérêt. Youpi ! Taxons les baignoires, véritables signes intérieurs patents de richesse excessive. On lâche du lest, comme un aéronef en perdition et on repart de zéro. Faire et défaire, quelle affaire …
Laffer oublié, on nourrit avec soin le ras le bol fiscal que le président de la Cour des comptes ressasse avant de partir bientôt s’installer vers de plus calmes horizons. Dernière minute, il semblerait que les recettes du PLFFS aient été votées ! Alleluia.

La campagne pour les prochaines élections municipales s’installe mollement, avec en arrière-goût les futures présidentielles. La ministre de la Culture, candidate à Paris, passe ses nuits à ramasser les poubelles, c’est de l’art brut où je n’y connais rien. Jordan Bardella, fort des résultats de récents sondages, continue sa grande tournée littéraire d’hiver, trop tard pour le Goncourt. Patatras ! À Moissac, charmante petite ville du Tarn et Garonne, un quidam récidiviste le gratifie d’un œuf sur la tête. Catastrophe, on hurle évidemment au crime de lèse politique. Pourtant, en l’occurrence, il ne fait que perpétrer une longue tradition d’entartages et d’enfarinages dont il devrait se réjouir et n’y voir que le reflet de sa récente notoriété.
Avant lui, Manuel Valls, François Hollande, Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron soi-même ont reçu leur lot de tartes, d’œufs, de farine et de ketchup. Nous avons, sauf incident espéré par certains, de longs dix-huit mois devant nous, avant de connaître un nouveau Président de la République. Dans quel état serons-nous alors et dans quel État sera le pays ?
D’autant que nous apprenons chaque jour de nouveaux crimes, de nouveaux règlements de comptes, de nouvelles victimes de plus en plus jeunes sur fonds de narcotrafic organisé auquel semble être déclarée la guerre. La guerre… La guerre qui rôde par ailleurs aux frontières de l’Est de l’Ukraine depuis bientôt quatre ans. Il y en avait alors pour quelques jours ! La Russie bombarde tant qu’elle peut en affirmant qu’elle négocie. Elle accélère grave sa production de drones. Un Vladimir Poutine d’un calme impérial se déclare prêt à répondre à une éventuelle guerre de l’Europe qu’elle n’a pas déclarée. Il fait bien semblant de croire que c’est l’Ukraine qui l’a attaqué ! Pourquoi, le moment venu, n’en ferait-il pas de même avec les Européens ? Catherine II elle-même en son temps y avait renoncé.
De son côté, Donald s’agace : tout ça n’est pas bon pour les affaires et pour son prix Nobel. Il se défoule avec le Venezuela. Emmanuel Macron, après avoir solennellement annoncé le retour au service militaire national part faire le tour du monde et prendre le thé avec Xi Jinping qui l’écoute sans doute avec une extrême politesse, extrême orientale.
Notre vieille Europe aurait-elle perdu de son lustre ? Est-t-elle usée ?
Nous sommes bien loin des échanges autour du café, ce matin, au cœur du village où pour l’instant, les municipales ne semblent pas mobiliser grand monde. Mais sait-on vraiment ce qui se trame au coin du feu, le soir?
Comme dans tous les villages français, on s’affaire plus à vivre de l’effervescent week-end du Téléthon, les vente de tee-shirts, de jacinthes et de pâtisseries, les expositions dans les salles des fêtes, la démonstration des sapeurs-pompiers, la marche salvatrice au petit matin dans la campagne. Attention, ne pas louper néanmoins le couronnement de Miss France 2026. Et puis nous nous concentrerons sur les marchés de Noël foisonnants dans les communes alentours.
Nous irons dimanche au grand banquet annuel du Sporting Club de Tulle déguster les traditionnelles farcidures, et se remettre du derby Aurillac Brive de vendredi soir.
On commente également avec animosité le nouveau tracé de la ligne de chemin de fer Bordeaux-Lyon, tant attendue au cœur du Massif Central. On nous avait promis le désenclavement par des lignes transversales, mais celle-là passera par Paris ! Il y a décidément trop de gens trop intelligents à la SNCF, trop de polytechniciens pour concevoir un tel itinéraire ignorant entre autres Limoges et Clermont-Ferrand, Legrand et Michelin ! Nos philosophes Chevalier et Laspalès ont de beaux jours devant eux.
Ainsi, loin du cirque parisien, loin du bruit de drones trop silencieux, la vie tente de suivre son cours, et y arrive. Bientôt Noël et sa magie.