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Salon d’automne par excellence, celui de Brive, post prix littéraires, vient clore joyeusement la saison culturelle. Un rendez-vous que Jean Brousse, ne raterait sous aucun prétexte. L’occasion, pour lui, de féliciter les nouveaux promus et retrouver tous les amis dont les ouvrages sont autant de souvenirs.
Les tilleuls sont déplumés. Seul l’érable au fond du jardin luit encore sous les pâles rayons d’un froid soleil d’automne, comme éclate encore sur les coteaux des Monédières, la palette des couleurs ocres, jaunes et rouges des bouleaux, des hêtres, et des châtaigniers. Leurs feuilles frêles et fragiles résistent, à peine accrochées aux branches ; timides post-it prêts à s’envoler au premier coup de vent ou se perdre aux pluies à venir. Les feuilles blanches et diaphanes des hydrangeas jonchent la cour. … L’automne est sévère, flamboyant de ses derniers reflets pour mieux prévenir des prochaines froidures.
Brive avait pris ses atours des grands jours, parée des traditionnels buissons de chrysanthèmes légèrement contrariés par un maigre crachin, lors de ce dernier weekend. Il faisait néanmoins bien chaud sous la charpente de la halle Georges Brassens, où près de cinq cent auteurs échappés du fameux « train du livre » – hériter du non moins fameux « train du cholestérol » – s’apprêtaient à signer pendant trois jours leurs ouvrages parus dans l’année. Dans l’antique Corail, ils ont pu déguster quelques spécialités corréziennes, tourtous de Sainte Fortunade, foies gras du pays et tiramisu aux châtaignes.
Ils étaient tous là, les fidèles habitués de ce rendez-vous, Christian Signol et Amélie Nothomb, qui seront cette année encore les champions du palmarès des ventes, Franck Bouysse, Eric Emmanuel Schmitt et Danièle Sallenave, les auteurs régionaux, Régine Rossi-Lagorce, Christophe Vergnaud et l’incontournable Gérard Brutus, et les vainqueurs des grands prix littéraires décernés au début de la semaine, Laurent Mauvignier et Natacha Appanah entre autres. Beaucoup d’entre eux vendront entre cinq cent et mille cent exemplaires. Xavier Bertrand, Edouard Philippe et Ségolène Royal tentent de réveiller le peu d’enthousiasme des amateurs pour le livre politique. Tous les genres de la littérature sont là, fiction bien sûr, gastronomie, histoire, mais aussi polars, jeunesse et bandes dessinées.

Le président de l’Académie Goncourt, Philippe Claudel, aura animé de main de maître ces quarante troisième éditions, placée sous la présidence d’honneur de Boualem Sansal, auquel un hommage vibrant fut rendu. Anticipant de peu le soulagement de le savoir enfin libre.
Une large part des quelques trois cent conférences et autres tables rondes aura été consacrées au lien santé-littérature : Lire pour guérir, et peut-être même écrire pour guérir. Le cycle « Temps présent » abordait le vaste sujet de la Liberté, exercice oh combien salutaire par les temps qui courent de par le monde ! Les « Rencontres Professionnelles » s’attaquaient à l’épineux défi du livre face à la vague déferlante des écrans, avec le concours de dizaines de jeunes lycéens brivistes motivés, tandis que quelques huit cent écoliers déambulaient, eux, dans les rues en déclamant des poèmes pour le plus grand bonheur des passants et des chalands du week-end.
Fourbus d’échanges et crampés de dédicaces, les auteurs ont, la nuit venue, sacrifié aux rites bien établis de cette Foire du livre : Karaoké géant d’un soir dans le hall accueillant de l’hôtel de la Truffe Noire, suivi d’une longue et harassante soirée dans les caves du « Cardi », le Cardinal, la boite où il faut être pour gagner son certificat de participant à la Foire. Les éditeurs reçoivent chez Francis où les écrivains ont envahi de leurs signatures les murs et les plafonds, où les assiettes regorgent de cèpes ou autres champignons. La « Vieille Prune » y aide à se reconstruire ! Et les petits matins sont rudes.
Le public était là, venu parfois de très loin, et les longues files d’attente se sont installées sur le parvis du théâtre, « La Guierle », dans une ambiance chatoyante et joyeuse sur des centaines de mètres, devant les étals des marchands du réputé marché de Brive la Gaillarde.
Les records seront encore une fois battus : des dizaines de milliers de visiteurs et des dizaines de milliers de livres vendus, et 1 164 000 euros de ventes, plus qu’en 2024, réalisées par les libraires de la ville. On s’étonne et se réjouit chaque année du succès imparable de de cet évènement, le plus important de France. Il y aura de la dédicace sous les sapins de Noël prochain. Qui a dit que le livre et la lecture étaient en perdition ? Même si les chiffres de l’édition stagnent, peut-être suffit-il de s’adapter aux nouveaux modes de consommation, analyser et comprendre les tendances incestueuses de la concurrence entre le livre et le numérique, inventer de nouvelles formes de promotion de la lecture et de diffusion du livre.
Le train du soir est reparti dimanche. Les conversations ont continué, le repas était moins plantureux et beaucoup ont savouré un calme et un repos bien mérités. J’ai rejoint la paix de mes montagnes et de mon village. La Foire du Lonzac est évidemment autre chose, et les frimas ont rebuté certains habitués de celle de ce deuxième lundi de novembre. Il y avait du monde chez Denis, le café du champ de foire. On y a commenté l’éclatant score de Brive face à Mont de Marsan vendredi soir. La Montagne en délivre ses analyses, histoire de conjurer le sort et de croire que nous sommes enfin sortis de la mauvaise spirale des dernières rencontres. Attention, les montois n’étaient pas en grande forme et d’autres rendez-vous pourraient être plus rugueux ! Mais ce résultat couronnait bien ces journées d’exception. On se demandait aussi quel sort serait finalement réservé à Nicolas Sarkozy.
Dernière minute : il est libéré, pour la plus grande logorrhée des chaines d’information. Et l’on voit sur les écrans sa voiture disparaître boulevard Saint-Jacques dans une allée ocre et cuivrée des derniers feuillus parisiens, les lointains cousins de ceux de nos forêts.