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Munich 1938, Versailles 1919, Traités inégaux du XIXème siècle : les références historiques ne manquent pas pour qualifier le plan en 28 points de l’administration américaine sur l’Ukraine. Il confirme le lâchage par Trump des alliances historiques des Etats-Unis et son soutien à la Russie. Pour l’Europe c’est le moment ou jamais et l’heure de vérité. Sylvain Kahn tire la sonnette d’alarme pour Sans Doute.
La Russie pilonne toujours plus les civils et les villes d’Ukraine, et les réseaux d’électricité, de chauffage et d’eau. C’est comme une pluie de marteaux tous les jours. C’est usant. Mais les Ukrainiens envahis et agressés tiennent bon depuis près de quatre ans. Ils ont une armée très ingénieuse.
Sans livrer la guerre sur le champ de bataille, l’Union européenne est très impliquée dans le soutien à l’Ukraine par des livraisons d’armements, l’aide financière et l’accueil de 6 millions de réfugiés. Par les sanctions contre la Russie et des livraisons d’armes à l’Ukraine d’un montant qui, du temps de l’administration Biden, était déjà équivalent à celui des livraisons américaines, les Européens agissent pour peser sur le cours de l’histoire en employant, sinon la force militaire, les leviers de la contrainte et du rapport de force. L’histoire dira si cette politique de soutien militaire de type matériel, financier et logistique sans intervention armée produira les effets escomptés – stopper l’invasion de l’Ukraine par la Russie, restaurer l’intégrité territoriale de l’Ukraine et favoriser la fierté des Européens.
Ce qui est sûr, c’est que, pour avoir une chance d’être très efficace, cette politique européenne de soutien à la résistance ukrainienne doit maintenant monter en charge de façon significative. Non seulement en approvisionnement d’armement, mais aussi en protégeant par un bouclier anti aérien les villes d’Ukraine bombardées alors qu’elles sont à l’arrière du front. C’est ce que propose, par exemple, une large initiative de la société civile, dite Sky Shield.

Il s’agit de montrer concrètement à l’administration Trump que les Européens font de la victoire de l’Ukraine une priorité. C’est d’autant plus opportun que la Russie surjoue la robustesse alors qu’elle est bien plus affaiblie que les déclarations de son gouvernement, très habile en propagande, le font croire. Ce serait un choix conséquent des Européens au vu de l’investissement déjà entrepris depuis près de quatre ans, et considérant que le projet impérialiste et colonial de l’État russe concurrence dangereusement, par la violence, la construction européenne
De même, il serait conséquent de débattre avec lucidité de l’instauration d’un rapport de force avec les États-Unis d’Amérique pour faire valoir le point de vue des Européens sur l’Ukraine. Nous sommes bien moins démunis qu’on ne l’imagine : les traités sur l’union européenne disposent d’un article dit anti coercition. Et les Européens restent le principal marché de biens et de services des entreprises américaines.
Les Européens sont bien plus robustes que l’image qu’ils ont d’eux même. Ils n’ont pas lieu d’être pessimistes sur la capacité de l’Europe à avancer. Certes, nous avons un certain nombre de faiblesses, et une forme d’aversion au risque. Mais l’histoire regorge de surprises.
Voyez ce qui s’est produit avec les Ukrainiens. Qui aurait imaginé, disons en décembre 2021, que deux mois plus tard la nation ukrainienne serait en armes et ferait reculer une invasion russe ? Les Ukrainiens eux-mêmes en auraient ri. Et pourtant ils l’ont fait.
L’exemple ukrainien a de quoi inspirer les Européens pour faire rentrer l’État russe dans le rang de la légalité internationale : malgré une infériorité démographique et industrielle, les Ukrainiens ont su frapper en profondeur la Russie en attaquant des raffineries. Cela affaiblit les rentrées de devises russes car ce pays vend aujourd’hui moins de pétrole.
On ne peut pas préjuger des réactions d’une société, surtout démocratique, et de sa force quand elle est attaquée. C’est pourquoi je crois à l’importance de discuter de ces sujets dans tous les pays européens. Il faut que cela devienne un sujet pour les citoyens, qu’on en parle au café ! Il peut en sortir beaucoup de choses. Les opinions publiques continuent d’être en profond désaccord avec l’agression de l’Ukraine par la Russie. Depuis bientôt quatre ans, les enquêtes montrent le soutien des opinions européennes au soutien à l’Ukraine. Les Européens, par-delà leurs débats et leurs clivages politiques, sont très attachés à leur liberté.
Ce que révèle le soutien des Européens à l’Ukraine, c’est que les Européens trouvent que l’Union européenne est utile, et qu’elle en vaut vraiment la peine, surtout si elle les défend comme un État. Pas comme un super État ou un État-nation, ce qu’elle n’est pas. Mais comme un État d’un genre spécial qui est une association d’Etats soucieux de leur indépendance.