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Le cambriolage des sublimes bijoux royaux et impériaux du 19ème siècle intervenu au Louvre dimanche matin dépasse largement le cadre du fait divers. Compte tenu à la fois de la nature des trésors volés, du lieu mondialement connu et de l’émotion suscitée, cet évènement restera comme l’un des évènements marquants de l’année. Mais pour notre directeur de la rédaction, Edouard Boccon-Gibod, stupéfait de l’irresponsabilité des tutelles du Louvre qui ne cessent de se justifier plutôt que d’assumer, ce vol prend une autre ampleur car il est un nouveau révélateur d’un mal bien français : la confiscation par les élites administratives et politiques d’un pouvoir qu’elles n’exercent pourtant qu’au nom de l’ensemble des citoyens. En d’autres termes, si notre démocratie fonctionnait encore correctement, la Présidente du Louvre et la Ministre de la Culture auraient déjà dû démissionner.
En ce début de semaine deux évènements sans aucun rapport a-priori ont monopolisé l’attention des médias sans pour autant qu’aucun n’y voit un lien entre eux : le fameux cambriolage au Louvre, qui au-delà de la stupéfaction, a légitimement touché chacun d’entre nous, et la publication de la treizième édition de l’étude annuelle “Fractures françaises“ réalisée par l’institut de sondages IPSOS pour le Centre d’Etudes de la Vie Politique Française (CEVIPOF), le Monde et la Fondation Jean Jaurès.
Parmi la multitude de données et de sujets abordés, ce sondage géant met en relief l’hallucinant divorce entre la classe politique et nos concitoyens.
Ainsi 96% (!) des Français sont mécontents de la situation du pays, et 73% se considèrent désavantagés dans la société française.
A l’inverse, seuls 20% d’entre eux ont confiance dans leurs députés et 10% (!) dans les partis politiques, tandis que 87% pensent que les hommes et les femmes politiques agissent principalement pour leurs intérêts personnels (en hausse de 16 points en 4 ans) et 66% pensent même qu’ils sont corrompus.
Résultat des courses : 85% des Français interrogés veulent un vrai chef pour remettre de l’ordre ! Quelle débâcle et quelle tristesse pour la démocratie représentative.

Quel lien pourtant avec l’envol des bijoux des reines et autre impératrice ?
Et bien si je devais mesurer la crise entre gouvernants et gouvernés à un symptôme, je choisirais justement ce scandale du cambriolage au Musée du Louvre.
Les cambrioleurs étaient adroits certes et résolus certainement également. Mais si au fond ils n’avaient fait que suivre les rapports de la Cour des Comptes mettant en lumière les faiblesses du système de sécurité du “plus grand” (par le ridicule aussi désormais) musée du monde ?
Il n’était un secret pour personne effet que le Louvre présente des graves lacunes : vétusté de certains équipements, canalisations hors d’âge et sécurité au sens large.
Mais la seule réponse de sa Présidente est un plan pharaonique de bouleversement complet du musée à 800 millions d’euros qu’elle fit rapidement avaler au Président de la République, comme pour laisser sa marque dans l’histoire. Il aurait fallu de sa part et de sa tutelle se focaliser également avec autant d’énergie sur la nécessité de s’occuper des tâches ingrates du quotidien. Parmi lesquels les travaux d’urgence ce qui, en apparence au moins, n’a pas été fait et qui à coup sûr ne permet pas de briller.
Dès lors de toute évidence face à un tel décalage entre la connaissance du problème et la lenteur de sa résolution, et dans une démocratie qui fonctionne, la Présidente-directrice du Louvre Laurence des Cars et la Ministre de la Culture Rachida Dati auraient déjà dû démissionner.
À ce jour, elles semblent avoir oublié le sens des responsabilités des gouvernants qui n’exercent leur mandat que par délégation des citoyens, faut-il le rappeler. Or c’est à la communauté nationale qu’on a volé son trésor dimanche matin et ces deux personnalités en étaient par délégation les gardiennes.
Si l’on veut avoir une vraie chance de voir diminuer ce chiffre de 85% de nos concitoyens qui veulent un “vrai chef pour remettre de l’ordre“ dans la prochaine étude “Fractures Françaises“, il est essentiel que nos élites politico-administratives retrouvent le sens du mandat qui leur est confié et assument leurs fautes.