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Pour Sans Doute, Frédéric Arnaud-Meyer partage une nouvelle fois l’une de ses indignations. Sa cible cette fois-ci? Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, qu’il accuse, documents à l’appui, d’escroquerie (swindle en anglais). Faux comptes, fausses performances publicitaires, faux influenceurs générés par IA mais vrais dollars encaissés auprès d’annonceurs mystifiés. Pour notre contributeur, un scandale à l’état pur.
Je suis dans l’avion pour Tokyo. Après deux verres et un Donormyl, je ne dors pas. À 35 000 pieds, le wifi me coûte une fortune, mais j’ai besoin de vérifier mes campagnes Instagram. Réflexe pavlovien du marketeur moderne : consulter ses métriques d’engagement comme un drogué check ses notifications.
L’écran de mon MacBook affiche les statistiques : 847 likes, 23 commentaires,
12 847 « impressions ». Jolis chiffres. Sauf que j’ai un doute. Un putain de gros doute qui me ronge depuis des mois.
40% de faux. Point.
Un cadre de Meta l’a avoué dans des documents judiciaires révélés en mai 2025 : jusqu’à 40% de l’activité sur Instagram pourrait être « fausse« ¹. Quarante pour cent. Pas 4%, pas 0,4%. Quarante pour cent d’arnaque pure et simple.
Traduction pour ceux qui font encore semblant de ne pas comprendre : quand vous payez Meta pour toucher 100 000 personnes, vous arrosez potentiellement 40 000 bots. Des algorithmes qui ne boiront jamais votre champagne, ne porteront jamais votre montre, n’achèteront jamais votre parfum.
Meta encaisse. Vous, vous payez pour faire de la pub à des robots.
L’Usine à Fantômes tourne à plein régime. Les chiffres officiels donnent le vertige. Meta annonce supprimer « plus d’un milliard de faux comptes Facebook et Instagram tous les quelques mois »⁵. Un milliard tous les quelques mois. Lisez ça deux fois.
Au premier semestre 2025 : 10 millions de profils Facebook virés². En avril 2025 : plus de 100 millions de pages Facebook impliquées dans des « abus scriptés » supprimées d’un coup⁶.
Mais voici le piège : si Meta est si efficace pour dégommer ces armées de bots, pourquoi en découvre-t-elle constamment de nouvelles par milliards ? Soit leur prétendue technologie de détection est aussi performante qu’un détecteur de métaux en carton, soit il y a quelque chose qu’on ne nous dit pas. Hypothèse corrosive : et si ces bots servaient l’écosystème avant d’être « héroïquement » supprimés ? L’engagement artificiel fait tourner la machine publicitaire, puis hop, nettoyage médiatique pour la presse. Les Influenceurs Fantômes : Meta assume l’arnaque 2025, la barre est franchie. Meta lance officiellement des « influenceurs » IA sur Instagram et Facebook¹¹. Des personnages entièrement générés par algorithme qui accumulent followers et interactions. La startup présente ça comme une « innovation pour booster l’engagement »¹⁰.
Relisez cette phrase. Meta crée délibérément de faux profils pour gonfler artificiellement l’engagement de ses plateformes. Et ils l’annoncent comme une révolution. C’est comme si un casino annonçait fièrement truquer ses machines à sous « pour améliorer l’expérience client ». L’audace criminelle atteint des sommets.
Des annonceurs se plaignent que cela fausse les statistiques, rendant difficile de distinguer l’engagement authentique¹⁸. Ces IA interagissent avec du contenu pour prolonger le temps passé sur l’application, augmentant les opportunités d’afficher des pubs.

Reuters crache le morceau
Novembre 2025, l’enquête Reuters enfonce le clou : Meta tire des revenus massifs de publicités frauduleuses⁰. Arnaques sentimentales, escroqueries financières, faux profils de dating – tout passe à la caisse.
Décembre 2025, ça empire : des agences partenaires de Meta diffusent des pubs mensongères, assistées par l’IA de la plateforme elle-même¹⁶.
L’intelligence artificielle de Meta aide à créer de fausses publicités pour une audience artificielle.
Meta gagne sur tous les tableaux : ils encaissent les budgets des vrais annonceurs ET des escrocs. Double jackpot.
Le Business Model de l’Illusion
Pendant ce temps, au Royaume-Uni, l’association Which? descend Meta en flammes pour son laxisme face aux faux profils⁴. Les régulateurs commencent à tiquer. Mais Menlo Park s’en fout : le business model tourne à plein régime. Plus d’activité = plus de revenus publicitaires. Peu importe que cette activité soit humaine ou artificielle. C’est le génie pervers du système : vendre de l’attention sans garantir qu’elle soit consciente.
Des annonceurs suspectent Meta de générer des clics fictifs sur les pubs, avec des campagnes qui attirent des centaines de sessions courtes sans interaction réelle¹³. Pour vérifier la qualité du trafic, des outils comme Traffic Guard sont désormais recommandés¹⁵.
Tokyo, 6h du matin heure locale
L’avion amorce sa descente. J’éteins l’écran. Dans quelques heures, je vais rencontrer des clients japonais pour leur vendre nos services de communication digitale. Je vais leur parler d’Instagram, de Facebook, d’engagement authentique. L’ironie me brûle la gorge plus que le whisky de l’avion. Comment leur expliquer que leurs budgets marketing risquent de financer une armée de fantômes numériques ? Que leurs campagnes de luxe pourraient être applaudies par des bots plus sophistiqués qu’eux ?
Pixels menteurs
S’agitent dans le vide
L’argent disparaît
Meta a réussi le coup de génie ultime : transformer l’arnaque en modèle économique légal. Ils ne volent pas votre argent, ils le font disparaître dans un écosystème de mirages numériques tout en gardant les mains propres.
Et nous, professionnels du marketing, on continue de payer. Parce qu’on n’a pas le choix. Parce que quelque part, dans cette cacophonie de faux profils, il reste encore quelques humains réels.
Le plus dingue ? Meta nous vend même les outils pour détecter nos propres arnaques. Services premium d’analyse, filtres anti-bots payants… Ils créent le problème ET vendent la solution.
Pure classe !
The Great Meta Swindle continue. Et nous, on applaudit.
Frédéric Arnaud Meyer
Directeur associé chez PeopleofVerso
Contributeur Sans doute
Sources
¹ Documents judiciaires révélés, mai 2025 – Cadre Meta sur l’activité artificielle
² Meta – Suppression de 10 millions de profils Facebook, premier semestre 2025
⁴ Association Which? (Royaume-Uni) – Critiques de Meta pour laxité face aux
Faux profils
⁵ Meta – Communications officielles sur la suppression de faux comptes
⁶ Meta – Suppression de 100+ millions de pages Facebook pour abus scriptés,
avril 2025
⁰ Reuters, novembre 2025 – Enquête sur les revenus Meta via publicités
frauduleuses
¹⁰ Meta – Critiques sur l’impact des comptes IA sur les statistiques d’engagement
¹¹ Meta – Introduction officielle des « influenceurs » IA, 2025
¹³ Forums spécialisés – Témoignages d’annonceurs sur les clics fictifs
¹⁵ TrafficGuard – Solutions de vérification de qualité du trafic
¹⁶ Révélations décembre 2025 – Agences partenaires Meta et publicités mensongères assistées par IA
¹⁸ Plaintes d’annonceurs – Difficultés à distinguer l’engagement authentique avec les IA