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Confession d’un publicitaire qui s’est fait ………. par Matisse
RECETTES GONZO DE GUERRE POÉTIQUE #8
TOKYO, ROOFTOP SUICIDE ESTHÉTIQUE, 03H21
Bon, alors voilà. J’étais là-haut, complètement défoncé au saké et au décalage horaire, quand Sufjan Stevens a décidé de me fracasser la gueule… émotionnellement parlant. Un cerisier en feu filmé au ralenti sur mon iPhone, et BANG !
J’ai compris que j’avais passé vingt ans de ma vie à vendre de la ……..avec des arguments foireux alors que la beauté était là, juste devant moi, en train de rigoler de ma connerie. Cette émotion m’a traversé comme une balle dans le cerveau. Plus violente qu’un divorce, plus rapide qu’une crise de panique, plus contagieuse qu’une vidéo de chat qui fait le con.
Balle esthétique
Traverse le crâne de Fred
Révélation rouge
Et là, debout comme un abruti sur ce toit à trois heures du mat’, j’ai eu ma première révélation cosmique : nous sommes tous des soldats qui se battent avec des cuillères quand on a des missiles nucléaires dans le garage. La beauté, c’est pas de la décoration. C’est de l’armement de destruction massive émotionnelle.

NEW YORK, METROPOLITAN MUSEUM, ÉTAGE 2, SECTEUR IMPRESSIONNISTES
Mais la vraie déflagration, elle a eu lieu trois mois plus tard au MET. Je déambulais comme un touriste de base, blasé par vingt ans de vernissages mondains, quand je tombe sur « La Danse« , de Matisse. Cette putain de toile que j’avais vue mille fois en photo, sur des cartes postales, des mugs, des t-shirts…
Matisse embuscade
Attend Fred au tournant
Piège tendu
Et là, devant l’original… PUTAIN. PUTAIN DE MERDE !
Ces cinq bonshommes rouges qui dansent en rond sur fond vert, cette simplicité de gosse de maternelle… Ça m’a explosé la tête. J’ai chialé comme un veau devant cette toile, au milieu des touristes japonais qui me regardaient comme si j’avais pété un câble.
Mais j’AVAIS pété un câble ! Cette peinture venait de me démonter en trente secondes ce que vingt ans de cynisme professionnel n’avaient pas réussi à m’apprendre : la beauté pure, ça tue. Littéralement. Ça tue tout : l’ego, les certitudes, les stratégies marketing, les plans quinquennaux.
Fred qui pleure
Devant cinq bonshommes rouges
Révélation brutale
Cinq minutes plus tard, je textais comme un dingue à ma femme : « Chérie, j’ai tout compris ! Matisse vient de me buter ! » Elle a dû croire que j’avais craqué. Elle n’avait pas tort.
PARIS, CAFÉ DE FLORE, RETOUR DE MISSION
« La beauté comme arme ? Mais enfin, Frédéric, vous délirez ! » me balance Marie-Claire, ma copine prof de philo qui fume trois paquets par jour et lit Deleuze aux chiottes.
Je la regarde avec mon sourire de mec qui vient de découvrir le feu. Pauvre Marie-Claire. Elle ne sait pas que je reviens du front.
Vétéran esthétique
Face à une civile
Sourire de rescapé
Alors, sans un mot, je sors mon iPhone et je lui montre une photo que j’ai prise au hasard dans Le Monde : un gamin ukrainien qui joue au foot dans les ruines de Marioupol, sourire fendu jusqu’aux oreilles malgré l’apocalypse qui lui sert de terrain de jeu.
Pas besoin de commentaire. Pas besoin d’explication. Juste cette image.
Marie-Claire se tait. Regarde la photo. Me regarde. Regarde encore. Sa clope se consume entre ses doigts. Trente secondes de silence pur. Pour elle, c’est un record olympique.
« Putain, Fred… » (Les profs de philo, ça jure aussi, qui l’aurait cru ?)
Et moi, au lieu de triompher, je me sens con d’avoir utilisé la douleur de ce gosse pour prouver ma théorie. Mais bon, l’expérience était concluante : une image qui frappe juste vaut mille dissertations sur la condition humaine.
L’ÉPIDÉMIE COMMENCE (OU : COMMENT DEVENIR PATIENT ZÉRO DE LA BEAUTÉ)
Trois jours plus tard, Marie-Claire balance la photo sur son Facebook avec un pavé déchirant sur l’Ukraine. Mon virus s’est propagé. Elle est devenue sans le savoir un agent de transmission de l’émotion pure.
Patient zéro
De l’épidémie esthétique
Contamination réussie
J’ai décidé de tester ma théorie partout. En réunion client, j’ai dégagé mon PowerPoint à la con (47 slides sur « L’optimisation du parcours client dans un écosystème omnicanal ») pour montrer une seule vidéo : un vieux Japonais qui forge un katana avec la concentration d’un moine zen sous ecstasy.
Silence de mort. Puis le directeur marketing me chuchote : « On signe. Maintenant. Combien vous voulez ? »
Double budget. Triple respect. Quadruple jouissance personnelle.
Mon pote Henri, dinosaure de chez Publicis, me glisse dans un bar de Pigalle : « Fred, on est des branleurs finis. Vingt ans qu’on torture les gens avec nos arguments bidons, alors qu’il suffisait de leur foutre la larme à l’œil. Une émotion sincère vaut cent études quali et mille focus groups. »EXACTEMENT ! On s’est compliqué la vie comme des tarés. Études de marché, analyses comportementales, segmentations psychographiques… Alors qu’au final, les gens veulent juste qu’on leur fasse du bien au cœur.
LA DROGUE DURE DE L’ÉMOTION (OU COMMENT DEVENIR JUNKIE DE SA PROPRE CAME)
Mais attention, piège de ouf : cette arme-beauté, elle se retourne contre son utilisateur. Plus je contaminais les autres, plus j’en devenais accro. Comme un dealer qui finirait par sniffer sa propre marchandise.
Dealer devenu junkie
De sa propre beauté
Ironie du sort
L’autre soir, à la Fondation Vuitton, devant un Basquiat qui pulsait comme un cœur électronique, j’ai compris que j’étais devenu un camé de l’émotion pure. Cette peinture me shootait plus fort que trois lignes de coke créative et un café de Colombie.
Et là, révélation numéro deux : nous sommes TOUS des junkies de beauté qui s’ignorent ! Instagram, c’est de la méthadone visuelle. TikTok, c’est du crack esthétique en shots de 15 secondes. YouTube, c’est de l’héroïne émotionnelle en free service.
Nous scrollons comme des zombies en quête de notre prochaine dose de sublime. Et les algorithmes, ces petits génies sadiques, ont parfaitement pigé le délire : ils ne vendent pas du contenu, ils dealent de la dopamine esthétique sur ordonnance.
LA RÉVOLUTION INVISIBLE (OU COMMENT LES CRÉATEURS DE MÈMES ONT PRIS LE POUVOIR)
Ils fabriquent des bombes de joie qui explosent dans nos téléphones. Ils propagent des virus de beauté plus contagieux que tous les discours politiques réunis. Ils mènent une guerre de guérilla par l’émotion pure.
Et nous, pauvres adultes sérieux, on n’a rien vu venir. On pensait encore que le pouvoir, c’était les rapports de force et les arguments blindés. Alors que les gamins avaient déjà tout compris : le pouvoir, c’est faire vibrer les gens.
MA CONTAMINATION JOYEUSE DE L’HUMANITÉ
Donc voilà, j’écris ce manifeste pour Sans doute avec l’espoir secret de vous contaminer tous avec mon virus de beauté militarisée. Parce que depuis ma claque Matisse au MET, j’ai décidé que c’était plus marrant de transformer le monde en le rendant beau qu’en l’emmerdant avec des théories.
Virus sympathique
Beauté contagieuse
Fred patient zéro
Si dans six mois vous préférez émouvoir plutôt que convaincre, si vous choisissez la beauté plutôt que l’efficacité brutale, si vous optez pour faire vibrer plutôt que faire acheter… alors ma petite épidémie esthétique aura fonctionné.
Ou alors vous aurez juste évolué naturellement, et mon ego de publicitaire reconverti n’y sera pour rien. Ce qui serait très bien aussi, et probablement plus proche de la réalité.
En attendant, moi je continue ma petite guerre secrète. Une émotion sincère par-ci, une image qui frappe par-là, un moment de grâce par-dessus. C’est ma façon personnelle de foutre le bordel dans ce monde de brutes.
Guérilla esthétique
Fred sème ses virus
Beauté partout
Et si ça foire, au moins j’aurai eu ma dose quotidienne de sublime. Ce qui est déjà pas mal comme programme de vie.
La beauté a déjà gagné. On fait juste semblant de résister pour rigoler.
Matisse, si tu m’entends, merci pour la baffe. Elle était parfaite.
Frédéric Arnaud Meyer
Ex-publicitaire buté par Matisse
Patient zéro de l’épidémie esthétique
Spécialiste en contamination joyeuse certifiée MET
P.S. : Si vous pleurez devant une œuvre d’art dans les six prochains mois, vous saurez que mon virus a fonctionné.