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Les “vérités” affichées aux quatre coins du globe reposent-elles sur des faits vérifiés ? Sans doute pas.… Puisse notre libre-arbitre nous aider à garder raison…
Dès 1988, bien avant l’avènement des réseaux sociaux, Jean-François Revel s’interrogeait, dans son incontournable essai La connaissance inutile : « Jamais la communication n’a été aussi abondante, aussi rapide, aussi présente. Le monde devrait, par conséquent, ne s’être jamais mieux porté qu’aujourd’hui. Or chacun sait qu’à bien des égards il n’en est rien. La connaissance ne nous fait pas défaut, mais voulons-nous l’utiliser ? La communication est-elle le contraire de l’information ? »
Ces propos d’un des plus grands esprits du XXe siècle continuent de résonner au vu de la récente actualité. Avons-nous progressé en un tiers de siècle ? Les faits importent-ils enfin dans les “vérités” affichées aux quatre coins du globe ? Rien n’est moins sûr….
Les États-Unis se plaignent aujourd’hui d’être victimes de l’ordre mondial, quand leurs Bourses représentent 70 % de la capitalisation planétaire ; les Vietnamiens et Cambodgiens « mériteraient » d’être taxés à 45 % pour s’être indûment enrichis depuis cinquante ans sur le dos du consommateur américain, bénéficiant pourtant d’un PNB par tête de près de 80 000 dollars ; Washington se plaint d’une taxation excessive des exportations américaines en Europe, mais refuse la proposition bruxelloise d’éliminer tout tarif bilatéral….
La Chine, elle, s’affiche comme nouvel ultime défenseur du libre-échange et fédérateur amical du “Sud Global”, alors que ce sont ces pays qui se sont le plus plaints contre elle à l’OMC en 2024 ; Pékin se targue toujours d’une croissance économique de +4 à 5 %, quand les données alternatives indiquent au mieux la stagnation en valeur du pays, gangrené par la déflation ; et Hong Kong est donnée pour “morte” en Occident, alors que le président de la banque HSBC anticipe que la ville sera le premier centre de gestion de fortune offshore devant la Suisse dès 2027…

L’Europe n’est pas en reste, servant tout autant de théâtre au déni de réalité. L’Ukraine se voit proposer, pour mettre fin à la guerre qui la ravage, une version moderne du Traité de Versailles, destiné cette fois-ci à faire saigner l’agressé du conflit ; l’AfD (Alternativ für Deutschland) reçoit du secrétaire d’État américain Marco Rubio un improbable soutien, crédité sur le compte de la défense de la démocratie, quand les autorités allemandes classent le parti comme “extrémiste de droite” ; le gouvernement français continue de promouvoir la “souveraineté” économique, quand la prolongation de notre endettement excessif est financée à 78 % par des capitaux étrangers ; notre réforme des retraites et des dépenses publiques ne cesse d’être ajournée, quand un(e) jeune CDI de moins de 30 ans doit recevoir en moyenne, d’après l’INSEE, un soutien familial mensuel de 305 euros pour équilibrer ses fins de mois…
Appelée à alimenter cette invasion d’interprétations fallacieuses des faits, l’intelligence artificielle générative pourrait, selon certains experts, conduire d’ici la fin de la décennie à ce que la très vaste majorité des contenus auxquels nous serons exposés présenteront un caractère synthétique. Ils seront le fruit d’algorithmes par nature biaisés, reflétant les valeurs ou les objectifs de leur codeur. Nous nous apprêtons à troquer la “connaissance inutile” pour la “non-connaissance utile”.
Il est révélateur d’observer sur les marchés financiers l’impact des algorithmes de trading au cours de la décennie passée : ils représentent désormais plus des deux tiers des volumes d’échanges. Ce phénomène a contribué à creuser un fossé, de plus en plus durable, entre l’évolution des marchés boursiers et les fondamentaux économiques, et explique peut-être le bonheur de Warren Buffet, le légendaire investisseur, d’annoncer enfin sa retraite bien méritée à 94 ans.
Il reste fort heureusement aux assidus de la plateforme “Sans doute” l’espoir de savoir garder raison grâce à leur libre-arbitre, rendant ainsi hommage à un autre pilier du XXe siècle, Winston Churchill : « Ne jamais croire une nouvelle tant qu’elle n’a pas été démentie officiellement au moins à cinq reprises ».