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Où sont-elles, depuis le 7 octobre ?… Où sont-elles les « camarades » de l’avocate Michelle Dayan qui a consacré sa carrière à défendre les femmes, toutes les femmes ! Au-delà des clivages, de toutes les opinions ou de toutes les sensibilités. Elles sont absentes. Le parvis des Droits de l’Homme est vide de toute solidarité. Notre époque a la compassion sélective et la fracture idéologique de plus en plus importante.
7 octobre 2023 : la barbarie effracte le monde.
8 octobre 2023 : le jour d’après du traumatisme, la barbarie sidère le monde.
9 octobre 2023 : la dissociation devient le mode de fonctionnement du monde.
485 jours après : le monde est devenu hémiplégique. Hémiplégique de l’empathie, hémiplégique de l’indignation, hémiplégique de l’humanité. Probablement une manifestation du syndrome du stress post traumatique. En définitive, l’humanité est un homme comme les autres.
Les femmes, mes sœurs féministes, seraient-elles aussi des hommes comme les autres ?
Lundi 9 octobre 2023 : mon association – qui lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes – poste sur les réseaux sociaux son effroi, son inquiétude et sa condamnation sans réserve des violences sexuelles et sexistes perpétrées par le Hamas lors de l’attaque terroriste du 7 octobre. Je fais défiler les « story » de mes sœurs de combat : rien ! Aucun écho, juste le silence.
« Nous toutes » scandent-elles habituellement ? Apparemment certaines sont plus égales que d’autres. Je n’y crois pas (encore une manifestation du SPT : le déni ?). Elles doivent réfléchir à la meilleure forme de communication possible tant cette région du monde est explosive et les susceptibilités de chacun prêtes à dégoupiller. Les jours et les semaines passent et elles poursuivent leur réflexion semble-t-il. Mon féminisme commence à se fracasser sur leur silence. Une grande radio française, au micro de laquelle je devais évoquer les crimes sexuels du Hamas et les règles de droit international, protégeant les femmes en cas de conflit armé, me désinvite, au motif qu’il n’y aurait pas encore les preuves que des violences sexuelles auraient été commises le 7 octobre. Seule « Radio J » m’offre une tribune…

A quelques exceptions près, les associations féministes sont devenues de belles au bois dormant. Je suis déçue, indignée ! Mais j’espère encore leur voix. J’élève la mienne contre ceux qui ont trouvé dans leur silence l’occasion rêvée d’enterrer leurs combats. « On savait bien qu’on ne les aimait pas, qu’elles se trompaient de route, maintenant on sait pourquoi ! ».
Deux poids, deux mesures ?…
Puis un matin, mes sœurs féministes ont retrouvé la voix, en même temps que les mots de passe de leur Instagram. Le 25 novembre approche – journée internationale pour l’élimination de la violence envers les femmes – et nous pourrons montrer aux masculinistes que nous sommes unies. Je reprends espoir. Je n’en crois pas mon féminisme ! Les post affluent pour dénoncer la guerre à Gaza, exprimant la souffrance de toutes les femmes pour nos sœurs palestiniennes. Pas un mot sur les femmes israéliennes enlevées, retenues en otage par le Hamas, violées pour certaines devant leurs enfants, dont les corps ont été exhibés dans des mises en scène macabres et dégradantes pour les réduire à une condition féminine humiliante, parce que juives. Mon humanité est éprouvée intimement par cette injustice. Leur silence sélectif provoque mon empathie hémiplégique, comme pour rétablir un équilibre. Je ne sais pas de quoi je leur en veux le plus : de leur impossibilité à dénoncer les crimes du Hamas contre les femmes et les mères ou de la position qu’elle m’assigne : celle de choisir mon camp.
Ne rien dire, c’est jouer un rôle, mais pas le bon. Nous, féministes, dénonçons inlassablement le silence assourdissant de tant d’hommes et de femmes face aux violences sexuelles et sexistes. « On se lève et on se casse ! » Je me suis levée avec elles, mais où se sont-elles cassées ? Dans un monde où l’intersectionnalité s’arrête aux femmes juives, assassinées et violées parce qu’elles sont libres, travaillent, étudient, dansent dans une Rave Party dénudées si elles le désirent ? Dans un monde où le féminisme est à géométrie variable selon la religion et l’origine des auteurs comme des victimes ?
De « Me too unless you are Jewish » à abandonner Me too, il n’y a qu’un tout petit obstacle, que je me refuse de franchir. Je ne serai ni du côté de celles qui ont abandonné une partie de leur humanité, ni du côté de ceux qui n’attendaient qu’une occasion – et j’avoue qu’elle est belle – pour enterrer le féminisme. Alors comment navigue une féministe dans ce monde d’après ? Elle a dans son kit de survie une arme de construction massive : la nuance et le discernement.