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Vue sur les monts Nebrodi depuis la terrasse du château normand de Sperlinga taillée dans la roche
DIZIÈME PARTIE : LA VIA NORMANNA DE SPERLINGA À FLORESTA
Sperlinga est à la frontière entre les Madonies et les monts Nebrodi. Autre chaîne de montagne que j’allais devoir traverser de part en part.
Il a la particularité de comporter de nombreux bâtiments taillés dans la roche : l’ancienne nécropole byzantine, quelques maisons modernes et, plus incroyable encore au sommet du village, le château normand.
Je crois avoir eu la chance de visiter nombre de châteaux-forts incroyables dans mon existence, y compris le Krak des chevaliers et la forteresse de Saladin, tous les deux en Syrie, mais celui de Sperlinga est réellement l’un des plus spectaculaires : sa partie basse est véritablement taillée dans le rocher : écuries, salles de réception, cuisines, chambres se visitent dans un dédale sous la roche avant de monter sur la place d’armes, au donjon et enfin sur les différentes terrasses superposées, dont la plus haute se rejoint par un escalier très abrupt. En haut, une vue incroyable et bien sûr comme à Gangi, la certitude d’être inexpugnable.
A tel point que lors des fameuses « vêpres siciliennes » et dans les mois qui suivirent ces massacres en 1282, les angevins purent se réfugier sans être inquiétés. Les angevins étaient présents en Sicile depuis une vingtaine d’année, appelés par le Pape qui voulait impérativement mettre un terme au règne des Hohenstaufen en Italie, après la mort de Frédéric II en 1251.
Tous les héritiers du grand empereur furent ainsi pourchassés et liquidés sur ordre de Rome et Charles d’Anjou, frère de Saint Louis, roi de France, devient roi de Sicile en 1266. Mais les angevins, ramenés sans cesse à leur condition de français, qui refusent d’épouser les mœurs locales et à se faire au us et coutumes locales héritées des normands et des Hohenstaufen se comportent très mal. Ne se contentant pas de traiter avec arrogance la population, ils multiplient les impôts impopulaires.
La révolte ne se fait pas à attendre et le 30 mars 1282 les cloches des églises palermitaines sonnent à toute volée : c’est le signal de la rébellion et tous les angevins de la ville sont massacrés. Ce sera le sujet d’un opéra de Verdi, toujours très populaire en Italie. La Sicile devient l’objet d’une gigantesque chasse aux sorcières. Les châteaux angevins tombent les uns après les autres. Malgré une ultime tentative de reconquête de l’île, Charles d’Anjou doit abandonner la Sicile à Pierre III d’Aragon, ce dernier s’estimant l’héritier naturel de la couronne, ayant épousé Constance, la dernière petite fille vivante de Frédéric II.
La Sicile devint ainsi, après de nombreux soubresauts sous domination des monarques étrangers, -jusqu’en 1860 et l’unité italienne-
Mais à Sperlinga les angevins échappèrent aux « vêpres siciliennes ». Se réfugièrent dans le château qui ne fut jamais pris, puis lorsque le siège fut levé au bout de 13 mois, ils rembarquèrent pour le continent.
Sperlinga a encore une autre particularité :
En 1087, Roger Ier de Sicile épousa une princesse du Piémont en même temps que sa fille, d’un précédent mariage, épousa le frère de cette nouvelle reine de Sicile : une double alliance entre Hauteville et Monferrat. A la suite de celle-ci, une forte immigration de populations du nord de l’Italie s’installa en Sicile. Cela entraîna une évolution et une modification de dialecte sicilien dans certaines régions de l’île.
Ainsi aujourd’hui à Sperlinga, on parle encore ce gallo-italique vieux de 10 siècles et incompréhensible pour les autres siciliens. Ce dialecte fait l’objet d’études philologiques poussées parmi les plus grands spécialistes de l’étude des langues et les habitants de Sperlinga sont manifestement fiers de ce particularisme : tous les noms des rues, panneaux publics et signalisation locales sont indiqués en deux langues, italien et italo-gallique.
Une fois redescendu de l’éperon de Sperlinga, nouvelle descente à travers champs dans le calme de la fin de l’après-midi pour remonter en face vers Nicosia.
Nicosia est une ville d’importance moyenne, plus animée que les étapes précédentes. En ce dimanche de Pâques, beaucoup de monde sur la place centrale où se toisent l’hôtel de ville et la cathédrale. Le centre-ville construit encore une fois en défilé de ruelles étroites d’inspiration médiévale abrite des bâtiments de toutes époques : byzantine, normande, gothique, Renaissance, dans un patchwork agréable. Et bien sûr sur le rocher qui domine la ville, les ruines du château normand. C’est la porte d’entrée vers les Monts Nebrodi, haut lieu de la randonnée en Sicile.
La sortie de la ville côté oriental se fait en pente douce, et tout de suite l’Etna réapparait. Le randonneur traverse une campagne harmonieuse, à nouveau couverte de genêts en fleurs. Puis l’habitat disparait complètement au fur et à mesure de la remontée en altitude, et la vue sur les collines et monts voisins devient saisissante.
Une intersection avec une petit route marque la moitié exacte du chemin entre Palerme et Messine, avant une remontée ou je retrouve les inévitables éoliennes en construction.
La grande descente suivante en fond de vallée réserve une superbe surprise : un pont normand parfaitement intact, prêt à l’emploi même s’il est réservé aux piétons désormais. Il date de la fin du XIème siècle et permet toujours de traverser la rivière aux simples promeneurs comme moi, mais surtout aux nombreux troupeaux de moutons que je ne cesse de croiser sur le chemin.
Au pied d’un des piliers de l’arche, une plage naturelle : l’endroit idéal pour un casse-croûte mémorable. Entre le léger vent, le bruit de la rivière et le tintement des cloches des moutons, je finis presque par comprendre Giono dans cette hyperbole de la pastoralité.
La suite de la journée fut plus sportive : je devais d’abord suivre le lit de la rivière sur quelques kilomètres avant de remonter à un col à travers bois. C’est le meilleur moment où la signalisation choisit de disparaître complètement à nouveau et je fus totalement et rapidement perdu. Je finis par choisir de monter tout droit en suivant quelques sentes, me disant que je finirais bien par trouver un chemin ou une route au sommet.
Mon pari fut gagnant mais à quel prix : traversée de champs de chardons, certes peuplés d’ânes en semi-liberté du meilleur effet, puis de ronces pour buter sur des barbelés en apparence infranchissables. Je dus m’y prendre à deux fois avant de trouver une sortie acceptable au prix de longues estafilades sur les bras et mollets.
Une fois sur la route, à petite distance, une ferme. Je m’y précipitais histoire de recharger les batteries et un couple d’agriculteurs m’accueillit à bras ouverts en m’offrant de l’eau fraîche et surtout de la Colombe de Pâques, ce gâteau traditionnel en forme de colombe qu’il est d’usage de partager en Italie le jour de Pâques au nom de la paix. Impossible de refuser bien évidemment et en acceptant ma part je discutais avec eux de leur vie quotidienne.
Ils m’expliquèrent que grâce aux pluies nombreuses et fréquentes du printemps, les meilleures depuis 5 ans, l’année serait excellente : une herbe très grasse favorable à une bonne production de lait chez leurs vaches, et beaucoup de fleurs permettant une intense pollinisation favorable à la production de miel de leurs abeilles. Je voyais également leurs chevaux en liberté et je ne pouvais m’empêcher de penser à l’immuabilité de cette vie et de ce paysage d’éternité, à l’heure de la folie autour de l’intelligence artificielle, des cryptomonnaies et des réseaux sociaux. Rien n’avait changé ici depuis combien de générations ?
La seule véritable novation était sans doute la nouvelle étable et le matériel de traite des vaches, intégralement payés il y a une dizaine d’années par l’Union Européenne comme l’agriculteur me le confia, tout fier. Là aussi une autre manière de voir « Bruxelles » à 3000 kilomètres de distance.
Il était temps de repartir vers Troina en suivant un long chemin de crêtes, peuplé de fermes abandonnées…et de champs remplis de panneaux solaires, comme un nouveau choc entre tradition et modernité.
Troina est juchée sur un éperon rocheux elle aussi avec, à la différence des villes traversées jusqu’ici, des faubourgs plutôt moches.
Mais une fois passée la rampe d’accès et l’entre dans la vieille ville, quelle merveille. C’est sans doute par son unité architecturale la ville la plus normande de tout l’itinéraire. Elle le doit à son histoire : en 1040 une bataille épique opposa les troupes musulmanes aux byzantins aidés par ses mercenaires de la légion normande de Guillaume d’Hauteville.
Celui-ci fit étalage de sa prodigieuse force en embrochant avec sa lance l’émir de Syracuse lui-même et gagna son surnom de « Guillaume Bras de Fer ». 22 ans plus tard, alors que Roger Ier le demi-frère cadet de Guillaume d’Hauteville, partit à la conquête de la Sicile pour son compte propre, les Arabes voulurent prendre leur revanche et assiégèrent la ville pendant quatre mois. Roger réussit à briser le siège et fit de Troina sa capitale pendant 10 ans jusqu’à la chute de Palerme en 1072.
Aujourd’hui toute la ville, par ses monuments et le nom de ses rues, honore Roger Ier (Ruggero en italien) et la conquête normande : sur chaque place une sculpture ou une céramique en l’honneur des chevaliers du Cotentin devenus avec leur descendance les souverains de la région.
Mais Troina a un autre héros, beaucoup plus récent : Robert Capa
Le célébrissime photographe de guerre a en effet couvert le débarquement allié en Sicile en juillet 1943, alors même qu’il n’était pas accrédité officiellement par une agence ou un titre de presse. Il en a tiré une série de clichés sous la protection d’un général américain participant à l’opération puis au vu de ses premiers envois, le magazine LIFE l’a accrédité jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale.
Un cliché de cette série est devenu mondialement connu : on y voit un officier américain se penchant vers un paysan sicilien avec un foulard traditionnel sur la tête qui lui indique le chemin de Troina.
La bataille de Troina opposant les restes de l’armée italiennes et l’arrière-garde de l’armée allemande se préparant à rembarquer à Messine vers le continent, à deux divisions américaines, fut le plus sanglant des combats menés lors de la libération de l’île, les forces de l’Axe opposant une résistance farouche, bien aidés par la configuration géographique des lieux.
Mais le 7 août 1943 Troina est définitivement libérée, et Robert Capa peut entamer une série de clichés à la fois de la ville, de la population et des soldats italiens faits prisonniers. Ces derniers incroyablement heureux de se trouver dans cette situation, si l’on en croit leurs sourires sur les photos.
Robert Capa a aujourd’hui, depuis 2021, son musée dédié dans la rue principale du centre historique de Troina, qui expose une centaine de clichés de la Sicile de 1943 : il s’en dégage une humanité à la hauteur du talent du photographe. Inutile de dire qu’un matin d’avril j’avais le musée pour moi seul, ce qui rajoutais à l’émotion suscitée par la visite.
Il est strictement impossible de quitter Troina par l’Est : la ville de ce côté domine une falaise de 200 mètres de haut, mais l’avantage c’est que, du haut de la ville, la vue sur l’Etna est magique de jour comme de nuit. Lors de mon passage le volcan était en effet en éruption et l’on voyait distinctement à la nuit tombée les deux foyers de lave orange sur ses parois.
Pour quitter la ville il fallait donc rebrousser chemin, repasser par les faubourgs de la veille avant de bifurquer à droite. Une route de campagne plus que tranquille attendait le randonneur avant de déboucher sur un chemin, clairement signalé, à destination des promeneurs du dimanche, mènant à un nouveau pont normand en parfait état.
Une fois traversé celui-ci, au bout de trois cents mètres, léger problème : la rivière ayant fait un coude il faut la retraverser, l’autre rive étant impraticable pour le piéton. Et là, pour la première et pas la dernière fois du parcours, pas de gué permettant de traverser à sec à cette saison de fonte des neiges. Résultat, je dus me résoudre à traverser avec de l’eau jusqu’aux mollets, sans pouvoir retirer les chaussures compte tenu du caractère contondant des cailloux dans le lit de la rivière.
L’itinéraire continue par une dizaine de kilomètres très agréable le long d’un chemin de halage rectiligne bordant la rivière, permettant d’admirer une faune sauvage, notamment d’oiseaux migrateurs prenant régulièrement leur envol.
A ce moment suspendu devait succéder la montée bien sûr très raide vers Cesaro, petite ville lovée sous un col. A 1150 mètres d’altitude, cette bourgade incarne à la perfection ces villes de moyenne montagne sicilienne centrées sur une rue principale et dominées par un château, cette fois-ci en ruines, mais dont les restes sont magnifiques. Les anthropologues expliquent que la colonisation normande fut tellement importante à Cesaro qu’il n’est pas rare encore aujourd’hui de croiser des habitants là depuis toujours, blonds aux yeux bleus. Je n’ai pas pu vérifier de mes yeux cette assertion, mais je peux en revanche assurer deux choses :
-la vue sur l’Etna est splendide depuis les ruines du château
-le sanglier (tellement présent en Sicile qu’il n’existe aucune limite à sa chasse) servi au restaurant est délicieux.
Le lendemain l’étape me conduisait vers Randazzo au plus près de l’Etna : une première partie très agréable en descente dans une nature idyllique sans croiser âme qui vive, sur un sentier parfois raide. Il n’y avait tellement personne qu’on entendait même les crapauds chanter.
Une succession de villages m’attendaient dans la vallée une fois traversée la rivière, jusqu’au fameux château Nelson ; en réalité une ancienne abbaye byzantine largement remaniée par les normands. C’est un ensemble massif caché dans un bois avec un très beau corps de bâtiment et l’église attenante.
Elle fut ensuite donnée par le roi Ferdinand de Naples, en 1799, à l’amiral Nelson, le futur vainqueur de Trafalgar en 1805 qui anéantit la flotte franco-espagnole, pour le remercier de l’avoir aidé à mater la rébellion anti-bourbons en 1796. L’amiral n’y résida jamais, ayant trouvé la mort à Trafalgar, mais le château resta dans la famille Nelson jusque dans les années 1980…il subsiste dans le jardin un petit parfum de cottage anglais complètement hors du temps, parfaitement surprenant en ce lieu.
Le temps de la visite une fois passé, le moment était venu de traverser les vergers qui s’offraient à nouveau à moi sur l’itinéraire sur plusieurs kilomètres. Avant de déboucher sur une rivière dont il fallait traverser le lit quasi complètement à sec. Le temps d’une remontée habituelle vers un petit col, l’objectif était de rejoindre Randazzo par le parcours le moins intéressant de tout le voyage : 10 kilomètres à suivre une route rectiligne sans alternative possible, sauf à de très rares moments.
L’arrivée à Randazzo réserve quelques surprises : c’est une ville « noire » bâtie essentiellement avec de la pierre de lave, et pour cause. Elle se situe en effet au plus proche possible des pentes du volcan, sans aucun obstacle naturel qui pourrait la protéger en cas d’éruption de ce côté-ci.
Lorsque on lève la tête, la ville paraît même posée sur la pente. Cette couleur noire lui donne un aspect à la fois perdu dans les couloirs d’un temps révolu de l’époque minière, telle que l’on imagine les villes de l’Angleterre ou du Nord de la France au 19eme siècle.
Son centre-ville est néanmoins particulièrement agréable, avec un aspect médiéval très bien conservé qui en fait également un lieu de choix pour les tournages de films d’époque.
La ville a également la particularité de comporter trois basiliques, toutes valant le détour : une latine, une grecque, une lombarde chacune correspondant à son quartier. Celle de San Martino a vu son campanile élu récemment plus beau d’Italie.
Mais la ville se rejoint autour d’une synthèse incarnée par une sculpture d’un géant sur la place Saint Nicolas qui arbore un lion pour le quartier latin, un serpent pour le quartier grec, et un aigle pour le quartier lombard.
Mais si au-delà de tous ces éléments, si Randazzo vaut le détour, c’est que l’on y trouve sans doute le meilleur glacier artisanal d’Italie : Santo Musumeci. Celui-ci a beau avoir gagné tous les prix possibles et imaginables décernés par ses pairs ou via des émissions de télévision, il se contente de son établissement sur la place de la cathédrale de Randazzo où il renouvelle sa carte de spécialités tous les jours en fonction des fruits frais à sa disposition. S’y pressent les connaisseurs tentés à n’importe quelle heure du jour pour goûter une granita ou un sorbet. Pour ce qui me conerne, ma granita à la framboise au jus d’orange restera un grand souvenir pour mes papilles.
Je quittais Randazzo avec ce goût dans la bouche pour affronter une journée complète d’ascension vers Floresta, le village de Sicile le plus haut, perché à quasi 1300 mètres d’altitude. Pour y arriver, un sentier superbe qui offre des vues incroyables sur Randazzo au premier plan, et l’Etna en arrière-plan avec, en cette saison encore, de la neige sur ses flancs à compter de 2000 mètres d’altitude.
A mi-pente une halte avec fontaine et aire de pique-nique pour les familles qui grimpent jusque-là sans aucune difficulté. C’est après que les choses sérieuses commencent. Le sentier se rétrécit et les lacets serrés s’enchaînent dans la forêt avant de déboucher sur un plateau voué à l’élevage de bovins, magnifiquement vert en cette saison.
Il reste néanmoins à gravir la pente très raide en sortie de plateau pour arriver à Floresta, juché comme toujours sur son éperon. Floresta est typique des villages de moyenne montagne avec des maisons massives en pierres apparentes, construit tout en longueur. Moyenne montagne mais néanmoins 4 mois complets de neige l’hiver dernier dans le village ; ce qui ferait pâlir nombre de stations de ski à cette altitude en France. La raison en est simple : Floresta est situé sur le premier contrefort depuis la Méditerranée et les nuages chargés d’humidité en provenance de la mer s’y arrêtent.
Sur la place de la mairie un bâtiment arbore encore un panneau de l’époque fasciste qui dû être “oublié” là depuis 1943 : “Unique est la foi en l’amour de la patrie, unique est la volonté de faire grand le peuple italien-Mussolini”. Il est toujours surprenant de trouver les slogans fascistes inscrits sur les murs et pas seulement dans les livres d’histoire, comme une réalité tangible de la volonté du régime de maîtriser les cerveaux de ses citoyens.
L’ambiance serait toute autre le soir à l’étape. En effet pas de solution de logement autre que chez l’habitant à Floresta. Me voici donc hébergé chez Sebastiano, un agriculteur dont la ferme est le dernier bâtiment à la sortie du village. Célibataire et fort habitué à recevoir des hôtes de passage, il est particulièrement loquace sur la région, sur son amour de la Sicile. Mais attablé le soir autour du repas qu’il avait préparé la conversation prit une tournure beaucoup plus politique.
En partant du fait que l’intégralité du repas provenait de fruits, légumes et herbes de son jardin, sans compter le sanglier qu’il avait occis de ses blanches mains, il critiqua longuement le système des coopératives agricoles siciliennes qui font le choix de l’export à outrance pour maximiser leurs revenus au détriment de la population locale.
Ainsi la Sicile se retrouve en situation d’être importatrice nette de tomates et d’ail notamment alors qu’elle en produit des quantités industrielles. Côté agrumes la situation n’est guère meilleure, car les plus beaux fruits sont réservés au marché allemand et les siciliens n’y ont pas accès.
Inévitablement la discussion dériva ensuite sur la politique et Giorgia Meloni en prit pour son grade ainsi que tous les politiques italiens, les médias, les réseaux sociaux … bref j’avais en face de moi un digne cousin des agriculteurs de feu le « Midi rouge ». C’était réjouissant de voir qu’ils n’avaient pas complètement disparu.
Puis il eût cette phrase définitive avec laquelle je ne pus qu’être d’accord : “Si les partisans tués, torturés ou fusillés sous le fascisme pour que nous vivions libres aujourd’hui, voyaient ce que nous avons fait de cette liberté, ils se retourneraient dans leurs tombes!”
Vous l’aurez compris je garde de ce dîner un souvenir mémorable, comme un ancrage dans la réalité du monde, loin des folies quotidiennes qui sont notre lot commun désormais.