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Alors que Tadej Pogačar s’apprête à remporter son quatrième Tour de France, la comparaison avec Eddy Merckx devient inévitable. Statistiques, domination, charisme — Pogi a tout. Et pourtant… Guillaume Cerutti nous explique pourquoi il n’égalera jamais Eddy.
Bien sûr, il y a l’évidence des statistiques. Tadej Pogačar va gagner son quatrième Tour de France, qui viendra s’ajouter, entre autres, à une victoire dans le Giro d’Italia, à un titre de champion du monde et à neuf succès dans les « Monuments » — ces courses d’un jour les plus prestigieuses du calendrier international, comme le Tour des Flandres, Liège-Bastogne-Liège ou le Tour de Lombardie. Plus de 100 victoires au total, qui le placent, à moins de 27 ans, dans les temps de passage des plus grands coursiers de l’histoire : Eddy Merckx, Bernard Hinault ou Fausto Coppi.
Bien sûr, il y a aussi le choc des images : la manière dont Pogačar construit ses succès, en assommant la concurrence par des attaques tranchantes et de longues échappées solitaires, ou en contrôlant méthodiquement ses rivaux et en annihilant leurs tentatives de rébellion. Et la puissance de son équipe, UAE Team Emirates, une véritable armada entièrement dédiée à sa cause, alors que beaucoup de ses coéquipiers pourraient être leaders dans n’importe quelle autre formation concurrente.

Bien sûr, il y a enfin le poids des commentaires. Ceux, résignés, de ses adversaires — y compris ceux qui, de temps à autre, parviennent à le battre à la régulière, comme Van der Poel, Evenepoel ou Vingegaard mais qui admettent sa supériorité et reconnaissent son statut de champion hors catégorie. Ceux des médias, friands de superlatifs et prompts à débattre du « GOAT », le Greatest of all time. Et l’adoubement des grands anciens : Bernard Hinault, qui dit se reconnaître dans l’insouciance et le panache du Slovène… jusqu’au grand Eddy Merckx lui-même, déclarant il y a quelques mois que Pogačar se situait désormais au-dessus de lui.
Et pourtant… quoi qu’Eddy lui-même en dise, il n’a pas été –et ne sera sans doute jamais– dépassé par « Pogi ».
En tout cas pas dans l’esprit et la mémoire de ceux qui, comme moi, tout en étant assez rationnels pour admirer les performances exceptionnelles de Pogačar et assez optimistes pour ne pas céder aux soupçons de dopage qui les escortent, se souviennent aussi du souffle épique qui accompagna la carrière de Merckx.
Le mythique Tour de France 1971, avec la rivalité avec Ocaña et le refus de Merckx de porter le maillot jaune après l’abandon sur chute de son adversaire; le coup de poing asséné par un spectateur dans l’ascension du Puy-de-Dôme sur le Tour 1975, prélude à sa première vraie défaite ; le record de l’heure battu à Mexico en 1972, et l’épuisement total du champion après l’exploit (son fameux « plus jamais ! ») ; les polémiques fratricides avec De Vlaeminck lors du championnat du monde 1975…
Autant d’épisodes légendaires, reflets d’une époque où le « Cannibale » belge régnait sans partage – comme le « Glouton » slovène aujourd’hui – mais dans un cyclisme moins formaté, à la fois plus absolu et plus humain, alors qu’avec Pogačar, tout semble écrit d’avance de manière tellement implacable…